lundi 24 août 2015

steps by steps

Je n'ai jamais eu le moindre problème à aborder mes troubles alimentaires, je n'en ai jamais eu honte. Pourquoi avoir honte d'une maladie?

Ah oui je sais parce que pour beaucoup de gens les troubles alimentaires c'est un caprice d'adolescente, c'est un manque de volonté...blablabla... Des réflexions débiles j'en ai eu en 15 ans de maladie même maintenant que je vais mieux, il y a toujours quelqu'un pour me dire «  ça y est tu as en fini tes conneries ». Je ne relève même pas, ça ne sert à rien d'expliquer les choses aux idiots, j'espère seulement que cette personne n'aura jamais ses filles concernées par ces maladies vicieuses.

Aujourd'hui j'ai décidé de vous parler un peu de moi et de mes troubles alimentaires parce que même si je considère qu'on ne guérit jamais totalement de ces maladies on peut aller mieux. Je croyais sincèrement que je n'irais jamais mieux, que je compterais les calories jusqu'à la fin de ma vie, que j'aurais toujours cette envie de peser 42 kilos...mais non tout ça est en grande partie du passé. Alors bien entendu il y a des restes, mais finalement je peux très bien m'en accommoder (et quand j'y regarde de plus près ces restes se lissent de plus en plus).

Cette année ça a fait 15 ans que les troubles alimentaires, plus particulièrement l'anorexie, font partie de ma vie. Je n'ai jamais été l'anorexique cadavérique (ma mère m'a empêché de chuter trop bas, merci maman pour ta vigilance) ce qui fait que la médecine ne m'a jamais pris réellement au sérieux (un jour ils comprendront peut-être que l'anorexie n'est pas synonyme d'un imc de moins de 18 et le jour où ça sera le cas on pourra aider les gens avant qu'ils tombent trop bas dans la maladie). On m'a menacé, envoyé voir des psy et gavé de médicaments. Ça a été tellement efficace que j'ai repris seulement quelques kilos pour qu'on me fiche la paix mais ça n'a pas empêché la maladie de devenir chronique. Pendant longtemps je n'ai rêvé que de maigreur et d'os qui pointaient, vivant dans la peur de grossir et de manger, faisant du sport uniquement pour dépenser des calories. Pendant de très nombreuses années ma vie n'a tourné qu'autour des calories et de la nourriture.

En 15 ans j'ai eu je ne sais combien de ce fameux déclic où on se dit que l'on a tout compris et que maintenant tout va aller pour le mieux. Finalement on se rend compte que non ça ne va mieux et que les déclics c'est une utopie.

Je ne vais pas vous expliquer le comment du pourquoi je suis tombée dans la toile d'araignée de cette maladie, on va juste dire qu'il y a une part de génétique, un caractère de stressée/angoissée chronique, quelques merdes de la vie comme le harcèlement scolaire et le décès de mon père, un régime à l’hôpital adolescente qui m'a appris à classer les aliments en autorisés/interdits et une bonne dépression par dessus (J'ai remarqué avec les années que mes TCA sont avant tout nourri par la dépression et le stress)...bam j'ai commencé à faire attention pour perdre deux kilos pendant que je me sentirais mieux et ça a très mal fini.

Pendant longtemps je me suis plus ou moins battue contre la maladie (oui plus ou moins car la peur de grossir est un frein énorme) j'ai consulté je ne sais combien de spécialistes sans le moindre résultat entre les nutritionnistes qui voulaient me faire grossir plus que de raison et les psy muets comme des carpes qui semblaient seulement intéressés par le chèque de fin de séance.

J'ai souvent voulu mourir, mais je ne pouvais pas faire ça à ma mère. Et puis les médecins me donnaient de quoi m'assommer pour oublier ma condition humaine.

Je n'ai jamais été hospitalisée, on m'a menacé au tout début et puis après j'étais majeure, on s'en fout des anorexiques majeures qui ne sont pas maigres à faire peur. Tant pis si je ratais mes études à cause du duo TCA/dépression. Tant pis si la maladie me volait mon avenir.

Un jour j'en ai eu ras le bol de tout ça, et puisque me battre ne fonctionnait pas j'ai décidé de vivre avec. Finalement je crois que ce lâcher prise a été ma première grande avancée. La seconde a été ma grossesse surprise. A cette époque j'avais décidé de faire une croix sur la maternité à cause de mes TCA et puis un jour pouf test de grossesse positif.

La grossesse m'a permis de remettre à plat mon alimentation, de manger pour le bébé tant pis pour les kilos. Je me répétais en boucle qu'il serait temps de s'affamer après la naissance de ma fille. Je ne sais pas combien de kilos j'ai pris pendant ma grossesse, je n'ai jamais voulu savoir. J'ai mangé à ma faim, je me suis fait plaisir et j'ai eu des compulsions alimentaires. Je n'ai jamais quitté mon 36 de grossesse et j'ai perdu rapidement mes kilos après l'accouchement car avec des années de TCA derrière moi j'avais finalement pris des bonnes habitudes alimentaires. Après mon accouchement j'étais tellement heureuse que je ne me suis pas affamée (d'ailleurs je suis toujours surprise des mamans sur la toile qui sont obsédées par le dégonflage de leur bidon après accouchement, je m'en foutais totalement, l'important n'était pas là et maintenant j'ai un ventre plus plat qu'avant la grossesse). Tout avait changé, ce petit bébé que je tenais dans mes bras a rempli le vide en moi qui me consumait depuis des années. J'ai enfin eu une raison de vivre et de résister aux chuchotements vicieux de la maladie.

Ma fille a soigné ma dépression, cette dépression qui était un des carburants principales de mes TCA. La grossesse m'a permis aussi d'arrêter tous les médicaments qu'on me donnait comme les antidépresseur et les anxiolytiques.

Pendant des années mes TCA se sont stabilisés, mais je continuais à faire du sport pour dépenser des calories, le midi je ne faisais que grignoter, plein d'aliments restaient interdits.

Et puis petit à petit il y a eu des petites avancées. J'ai commencé à remanger des bananes, j'ai troqué mes yaourts 0% par des yaourts au soja...

Ca fait 18 mois maintenant que je vois des grandes avancées, il y a un peu plus de 18 mois j'ai enfin eu mon chez moi et j'ai pu manger comme j'en avais envie sans que personne me juge. Le grand problème quand j'habitais chez ma mère c'est que même si elle était tolérante elle jugeait ce que je mangeais même si elle affirmait le contraire et quand elle m'énervait je ne mangeais pas pour me venger (des fois on a des mécanismes bizarroïdes). En étant chez moi j'ai pu enfin consommer mes laits végétaux, manger de moins en moins de viande, me nourrir de fruits si j'en avais envie. J'ai pu enfin adopter une alimentation qui me correspondait.

Le sport m'a donné aussi un bon coup de pouce car grâce à lui maintenant je mange pour de « vrai » à midi, il y a un an en arrière c'était des fruits et un yaourt le midi. Manger consistant le midi était un vrai blocage.

J'ai réintroduit un grand nombre d'aliments que ce soit les légumineuses, les pâtes, l'avocat, je mange (parfois) les pâtisseries que je cuisine et je n'ai même pas grossi. J'ai même fini par maigrir car en donnant du bon carburant à mon corps mes compulsions alimentaires se sont réduites. En effet nombre d'entre elles étaient en fait provoquées par la faim. Aujourd'hui ça m'arrive encore de faire des compulsions alimentaires mais elles sont dues plutôt à la fatigue et au stress. Je ne culpabilise même plus des compulsions, ça ne sert à rien tout se rééquilibre avec mon alimentation de tous les jours et ma pratique sportive.

Le sport m'a aussi permis de garder la tête hors de l'eau. L'année 2014 n' a pas été des plus simples, elle a été teintée de beaucoup de tristesse et j'ai vécu une des pires épreuves de ma vie qui m'a plongé à nouveau dans la dépression. Ce n'était pas une dépression profonde comme lorsque j'étais adolescente mais ça suffit pour que je me sente plus que malheureuse, triste, amère, que les idées noires reviennent au galop. Je n'en ai jamais trop parlé parce que les gens, même proches n'ont pas toujours des paroles réconfortantes, ils pensent en avoir mais non parfois leurs paroles font plus de mal que de bien. Alors je me suis accrochée au sport corps et âme. Je crois que les gens n'ont pas compris mais tant pis,ça a été une excellente thérapie sur tous les plans.

A l'heure d'aujourd'hui je me sens enfin bien dans mon corps et dans ma tête. J'accepte enfin mon corps et je peux dire que je l'aime après 15 ans de désamour et de haine. Pendant des années je ne rêvais que de maigreur, de ce modèle féminin qu'on nous impose insidieusement. Mon regard a évolué maintenant j'aime un corps avec des courbes féminines : des hanches, des fesses et surtout un corps ferme et musclé. Bon j'ai toujours envie de dégommer le peu de cellulite qui me reste, mais je n'en fais pas une maladie.

Je suis fière de moi, moi l'éternelle insatisfaite je suis fière de mes progrès et surtout je les perçois enfin.

Je me bats chaque jour pour donner un message positif à ma fille, je veux qu'elle soit en harmonie avec son corps, je veux qu'elle comprenne que le bonheur n'est pas synonyme de maigreur ou de minceur. Le bonheur c'est savoir profiter des petites choses de la vie, c'est parvenir à être fière de soi, c'est être entourée des gens qu'on aime. J'espère lui transmettre aussi une relation saine avec la nourriture, chose compliquée dans un monde où les régimes sont un business juteux et où on nous répète à longueurs de journées des recommandations alimentaires par forcément saines.


Je ne dirais pas aujourd'hui que je suis guérie, les TCA sont des maladies qui se terrent au fond de nous et dont il faut se méfier à vie car à la moindre faiblesse elles sont les premières à taper à la porte. Aujourd'hui je vais bien mieux, je me sens mieux, je me sens en paix et ça c'est juste énorme je ne pensais qu'un jour ça pourrait arriver. 



4 commentaires:

  1. superbe article que j'ai lu jusqu'au bout ! J'ai eu des troubles du comportement alimentaire, moins je mangeais, plus je perdais du poids et j'étais fière ! Cela a duré environ 3 ans jusqu'au jour où j'ai mangé normalement et j'ai repris presque les kilos perdus ! C'est le sport qui m'a sauvé, m'a aidé à perdre des centimètres et m'a à peu près débarrassé de cette obsession du poids !

    Joli parcours, tu es vraiment sur la bonne voie !

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    1. Merci. Ah ça la fierté malsaine de perdre du poids, c'est fou quand on y pense et je comprends que lorsqu'on ne connaisse pas la maladie on soit déroutée. Le pire c'est qu'en même temps ça nous fait souffrir car on a tellement peur de regrossir. Le sport c'est une bonne thérapie :-)

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  2. Il est beau ton article vraiment... Et je m'y retrouve... Parce que j'ai été une anorexique adulte, qu'on ne m'a pas toujours prise au sérieux et que la descente s'est fait assez rapidement sans jamais être catastrophique mais la remontée fut longue très longue...
    La dépression qui me hantait m'a bouffée c'est le cas de le dire et j'en ai encore honte aujourd'hui Parce qu'on m'a trop dit que c'était des caprices d'ado et que j'avais plus l'âge... Je remercie mes parents et surtout mon amoureux pour m'avoir permis de ne pas sombrer trop bas et de m'en sortir.. Aujourd'hui je porte la vie ce n'est pas toujours facile Parce que manger reste compliqué parfois mais ça change Tout quand même et j'ai hate de tenir ma fille dans les bras loin de tous ces démons...
    Je pense fort à toi c'est un combat qu'on doit être fière d'avoir mené <3

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    1. Merci beaucoup. Je crois que j'en voudrais toujours à la médecine ne pas prendre au sérieux tous les cas d'anorexie. Oh oui la remontée est longue, si longue que par moment on croit qu'on y arrivera jamais et qu'on vivre comme ça ad vitam eternam. Autant je n'ai plus peur des TCA mais je frisonne toujours vis à vis de la dépression, j'ai toujours peur qu'elle revienne. Heureusement qu'on a eu des proches au top, dommage que tout le monde n'ait pas cette chance. Je te souhaite plein de bonheur dans ta vie de maman, c'est des fois difficiles mais c'est un vrai bonheur

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