Je n'ai jamais eu le moindre problème à aborder mes troubles
alimentaires, je n'en ai jamais eu honte. Pourquoi avoir honte
d'une maladie?
Ah oui je sais parce que pour beaucoup de gens les troubles
alimentaires c'est un caprice d'adolescente, c'est un manque de
volonté...blablabla... Des réflexions débiles j'en ai eu en 15 ans
de maladie même maintenant que je vais mieux, il y a toujours
quelqu'un pour me dire « ça y est tu as en fini tes
conneries ». Je ne relève même pas, ça ne sert à rien
d'expliquer les choses aux idiots, j'espère seulement que cette
personne n'aura jamais ses filles concernées par ces maladies
vicieuses.
Aujourd'hui j'ai décidé de vous parler un peu de moi et de mes
troubles alimentaires parce que même si je considère qu'on ne
guérit jamais totalement de ces maladies on peut aller mieux. Je
croyais sincèrement que je n'irais jamais mieux, que je compterais
les calories jusqu'à la fin de ma vie, que j'aurais toujours cette
envie de peser 42 kilos...mais non tout ça est en grande
partie du passé. Alors bien entendu il y a des restes, mais
finalement je peux très bien m'en accommoder (et quand j'y regarde
de plus près ces restes se lissent de plus en plus).
En 15 ans j'ai eu je ne sais combien de ce fameux déclic où on se
dit que l'on a tout compris et que maintenant tout va aller pour le
mieux. Finalement on se rend compte que non ça ne va mieux et que
les déclics c'est une utopie.
Je ne vais pas vous expliquer le comment du pourquoi je suis tombée
dans la toile d'araignée de cette maladie, on va juste dire qu'il y
a une part de génétique, un caractère de stressée/angoissée
chronique, quelques merdes de la vie comme le harcèlement scolaire
et le décès de mon père, un régime à l’hôpital adolescente
qui m'a appris à classer les aliments en autorisés/interdits et une
bonne dépression par dessus (J'ai remarqué avec les années que mes
TCA sont avant tout nourri par la dépression et le stress)...bam
j'ai commencé à faire attention pour perdre deux kilos pendant que
je me sentirais mieux et ça a très mal fini.
J'ai souvent voulu mourir, mais je ne pouvais pas faire ça à ma
mère. Et puis les médecins me donnaient de quoi m'assommer pour
oublier ma condition humaine.
Je n'ai jamais été hospitalisée, on m'a menacé au tout début et
puis après j'étais majeure, on s'en fout des anorexiques majeures
qui ne sont pas maigres à faire peur. Tant pis si je ratais mes
études à cause du duo TCA/dépression. Tant pis si la maladie me
volait mon avenir.
Un jour j'en ai eu ras le bol de tout ça, et puisque me battre ne
fonctionnait pas j'ai décidé de vivre avec. Finalement je crois que
ce lâcher prise a été ma première grande avancée. La
seconde a été ma grossesse surprise. A cette époque j'avais
décidé de faire une croix sur la maternité à cause de mes TCA et
puis un jour pouf test de grossesse positif.
La grossesse m'a permis de remettre à plat mon alimentation,
de manger pour le bébé tant pis pour les kilos. Je me répétais en
boucle qu'il serait temps de s'affamer après la naissance de ma
fille. Je ne sais pas combien de kilos j'ai pris pendant ma
grossesse, je n'ai jamais voulu savoir. J'ai mangé à ma faim, je me
suis fait plaisir et j'ai eu des compulsions alimentaires. Je n'ai
jamais quitté mon 36 de grossesse et j'ai perdu rapidement mes kilos
après l'accouchement car avec des années de TCA derrière moi
j'avais finalement pris des bonnes habitudes alimentaires. Après
mon accouchement j'étais tellement heureuse que je ne me suis pas
affamée (d'ailleurs je suis toujours surprise des mamans sur la
toile qui sont obsédées par le dégonflage de leur bidon après
accouchement, je m'en foutais totalement, l'important n'était pas là
et maintenant j'ai un ventre plus plat qu'avant la grossesse). Tout
avait changé, ce petit bébé que je tenais dans mes bras a rempli
le vide en moi qui me consumait depuis des années. J'ai enfin eu une
raison de vivre et de résister aux chuchotements vicieux de la
maladie.
Ma fille a soigné ma dépression, cette dépression qui était un
des carburants principales de mes TCA. La grossesse m'a permis aussi
d'arrêter tous les médicaments qu'on me donnait comme les
antidépresseur et les anxiolytiques.
Pendant des années mes TCA se sont stabilisés, mais je
continuais à faire du sport pour dépenser des calories, le midi je
ne faisais que grignoter, plein d'aliments restaient interdits.
Et puis petit à petit il y a eu des petites avancées. J'ai commencé
à remanger des bananes, j'ai troqué mes yaourts 0% par des yaourts
au soja...
Ca fait 18 mois maintenant que je vois des grandes avancées,
il y a un peu plus de 18 mois j'ai enfin eu mon chez moi et j'ai
pu manger comme j'en avais envie sans que personne me juge. Le
grand problème quand j'habitais chez ma mère c'est que même si
elle était tolérante elle jugeait ce que je mangeais même si elle
affirmait le contraire et quand elle m'énervait je ne mangeais pas
pour me venger (des fois on a des mécanismes bizarroïdes). En étant
chez moi j'ai pu enfin consommer mes laits végétaux, manger de
moins en moins de viande, me nourrir de fruits si j'en avais envie.
J'ai pu enfin adopter une alimentation qui me correspondait.
Le sport m'a donné aussi un bon coup de pouce car grâce à lui
maintenant je mange pour de « vrai » à midi, il y a un
an en arrière c'était des fruits et un yaourt le midi. Manger
consistant le midi était un vrai blocage.
J'ai réintroduit un grand nombre d'aliments que ce soit les
légumineuses, les pâtes, l'avocat, je mange (parfois) les
pâtisseries que je cuisine et je n'ai même pas grossi. J'ai même
fini par maigrir car en donnant du bon carburant à mon corps mes
compulsions alimentaires se sont réduites. En effet nombre d'entre
elles étaient en fait provoquées par la faim. Aujourd'hui ça
m'arrive encore de faire des compulsions alimentaires mais elles sont
dues plutôt à la fatigue et au stress. Je ne culpabilise même plus
des compulsions, ça ne sert à rien tout se rééquilibre avec mon
alimentation de tous les jours et ma pratique sportive.
Le sport m'a aussi permis de garder la tête hors de l'eau.
L'année 2014 n' a pas été des plus simples, elle a été teintée
de beaucoup de tristesse et j'ai vécu une des pires épreuves de ma
vie qui m'a plongé à nouveau dans la dépression. Ce n'était pas
une dépression profonde comme lorsque j'étais adolescente mais ça
suffit pour que je me sente plus que malheureuse, triste, amère, que
les idées noires reviennent au galop. Je n'en ai jamais trop parlé
parce que les gens, même proches n'ont pas toujours des paroles
réconfortantes, ils pensent en avoir mais non parfois leurs paroles
font plus de mal que de bien. Alors je me suis accrochée au sport
corps et âme. Je crois que les gens n'ont pas compris mais tant
pis,ça a été une excellente thérapie sur tous les plans.
A l'heure d'aujourd'hui je me sens enfin bien dans mon corps et
dans ma tête. J'accepte enfin mon corps et je peux dire que je
l'aime après 15 ans de désamour et de haine. Pendant des années je
ne rêvais que de maigreur, de ce modèle féminin qu'on nous impose
insidieusement. Mon regard a évolué maintenant j'aime un corps avec
des courbes féminines : des hanches, des fesses et surtout un
corps ferme et musclé. Bon j'ai toujours envie de dégommer le peu
de cellulite qui me reste, mais je n'en fais pas une maladie.
Je suis fière
de moi, moi l'éternelle insatisfaite je suis fière de mes progrès
et surtout je les perçois enfin.
Je me bats chaque jour pour donner un message positif à ma fille,
je veux qu'elle soit en harmonie avec son corps, je veux qu'elle
comprenne que le bonheur n'est pas synonyme de maigreur ou de
minceur. Le bonheur c'est savoir profiter des petites choses de la
vie, c'est parvenir à être fière de soi, c'est être entourée des
gens qu'on aime. J'espère lui transmettre aussi une relation
saine avec la nourriture, chose compliquée dans un monde où les
régimes sont un business juteux et où on nous répète à longueurs
de journées des recommandations alimentaires par forcément saines.
Je ne dirais pas aujourd'hui que je suis guérie, les TCA sont des
maladies qui se terrent au fond de nous et dont il faut se méfier à
vie car à la moindre faiblesse elles sont les premières à taper à
la porte. Aujourd'hui je vais bien mieux, je me sens mieux, je me
sens en paix et ça c'est juste énorme je ne pensais qu'un jour ça
pourrait arriver.
superbe article que j'ai lu jusqu'au bout ! J'ai eu des troubles du comportement alimentaire, moins je mangeais, plus je perdais du poids et j'étais fière ! Cela a duré environ 3 ans jusqu'au jour où j'ai mangé normalement et j'ai repris presque les kilos perdus ! C'est le sport qui m'a sauvé, m'a aidé à perdre des centimètres et m'a à peu près débarrassé de cette obsession du poids !
RépondreSupprimerJoli parcours, tu es vraiment sur la bonne voie !
Merci. Ah ça la fierté malsaine de perdre du poids, c'est fou quand on y pense et je comprends que lorsqu'on ne connaisse pas la maladie on soit déroutée. Le pire c'est qu'en même temps ça nous fait souffrir car on a tellement peur de regrossir. Le sport c'est une bonne thérapie :-)
SupprimerIl est beau ton article vraiment... Et je m'y retrouve... Parce que j'ai été une anorexique adulte, qu'on ne m'a pas toujours prise au sérieux et que la descente s'est fait assez rapidement sans jamais être catastrophique mais la remontée fut longue très longue...
RépondreSupprimerLa dépression qui me hantait m'a bouffée c'est le cas de le dire et j'en ai encore honte aujourd'hui Parce qu'on m'a trop dit que c'était des caprices d'ado et que j'avais plus l'âge... Je remercie mes parents et surtout mon amoureux pour m'avoir permis de ne pas sombrer trop bas et de m'en sortir.. Aujourd'hui je porte la vie ce n'est pas toujours facile Parce que manger reste compliqué parfois mais ça change Tout quand même et j'ai hate de tenir ma fille dans les bras loin de tous ces démons...
Je pense fort à toi c'est un combat qu'on doit être fière d'avoir mené <3
Merci beaucoup. Je crois que j'en voudrais toujours à la médecine ne pas prendre au sérieux tous les cas d'anorexie. Oh oui la remontée est longue, si longue que par moment on croit qu'on y arrivera jamais et qu'on vivre comme ça ad vitam eternam. Autant je n'ai plus peur des TCA mais je frisonne toujours vis à vis de la dépression, j'ai toujours peur qu'elle revienne. Heureusement qu'on a eu des proches au top, dommage que tout le monde n'ait pas cette chance. Je te souhaite plein de bonheur dans ta vie de maman, c'est des fois difficiles mais c'est un vrai bonheur
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